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Le pont suspendu

Classé monument historique depuis peu, le pont suspendu enjambant l’Allier et reliant Saint-Ilpize à Villeneuve est l’une des merveilles à admirer lorsque l’on vient se promener dans la vallée de la Ribeyre. A une vingtaine de kilomètres en amont de Brioude, cet ouvrage exceptionnel offre un point de vue inégalable sur l’Allier, les villages de Saint-Ilpize et de Villeneuve d’Allier. Aux beaux jours, on y voit, au coeur d’une végétation luxuriante, serpenter joyeusement la rivière. En hiver, grossie par les crues ou figée par la glace, elle est méconnaissable. Mais, quelle que soit la saison, on ne peut se lasser du spectacle…

Mis au point en Angleterre dans les années 1820, les ponts métalliques suspendus se sont répandus en France au cours des années suivantes. Rapide et économique, cette nouvelle technique était parfaitement adaptée aux gorges encaissées car elle dispensait la construction des piles – piliers supportant les voûtes et le tablier d’un pont-, soumises aux crues et risquant d’être emportées. Un ingénieur d’Annonay, Marc Seguin perfectionne la technique en remplaçant les arcs à chaines de maillons par des fils de fer parallèles, bien plus résistants.

Pont de saint-Ilpize 3

A l’origine du pont reliant les deux rives : Ferdinand Arnodin 
Dans les années 1850, plusieurs accidents vont freiner la construction des ponts suspendus en France. Mais leur édification repart dans les années 1870 grâce aux améliorations apportées par les Américains qui ajoutent des haubans obliques près des supports de câbles, afin de diminuer les oscillations horizontales. Ferdinand Arnodin (1845-1924), ingénieur-constructeur installé à Chateauneuf-sur-Loire et chargé de la reconstruction des ponts sur la Loire détruits lors de la guerre de 1870, adopte ce procédé.

Un village coupé du monde pendant presque 300 ans…

Depuis les crues de 1584 qui avaient emporté les deux ponts, Saint-Ilpize se trouve totalement isolé et ses habitants ne peuvent traverser la rivière que grâce à la « nau », grande barque portant aussi les attelages avec les chars et dont le va-et-vient est facilité par un câble tendu d’une rive à l’autre. En perdant ses ponts, Saint-Ilpize perdit son statut de place forte et fréquentée. Dès lors, la vie s’était portée vers Villeneuve d’Allier, désormais plus accessible. Pendant presque 250 ans les Ilpidiens avaient fait avec les moyens du bord… Jusqu’à ce funeste jour de Pâques.  Alors que la rivière était en forte crue et que la « nau », chargée de femmes se rendant à la messe, traversait l’Allier, le câble se rompit. Comme une coquille de noix emportée par les flots, l’embarcation se brisa sur les rochers et plusieurs femmes se noyèrent. Un notable, habitant à Villeneuve, prit aussitôt la diligence et se rendit auprès du roi Charles X afin de lui conter la catastrophe. Il obtint séance tenante l’érection de Villeneuve en paroisse et en commune. On ne sait plus exactement en quelle année se déroula se triste drame, mais l’église de Villeneuve, construite aussitôt, est datée de 1827.

Les ponts suspendus de Saint-Ilpize et Chilhac

Depuis 1830, les habitants de Saint-Ilpize demandaient donc avec insistance le remplacement du bac, jugé dangereux à cause des trop nombreuses crues de l’Allier. Si l’histoire leur donnait raison, il fallut encore patienter. Enfin, en 1863, à la demande du conseil municipal, le Préfet de Haute-Loire fait réaliser une étude par Jollois, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Son projet de 1874 est repris en 1878 par Ferdinand Arnodin qui conserve le système de haubans et utilise des câbles toronnés, câbles de suspension qu’il a inventés en s’inspirant des cordages de chanvre travaillés en torsion. D’une hauteur de 35 mètres au-dessus de l’étiage, le pont de Saint-Ilpize, le premier d’une nouvelle génération de ponts suspendus, est enfin ouvert à la circulation en septembre 1879. Ah ! Un petit détail : avant d’être renforcé en 1967, les 127 mètres du tablier du pont étaient en bois !

Pendant sa construction, Ferdinand Arnodin est aussi consulté pour la construction du pont de Chilhac. Celui-ci, dont le projet date de 1879, est mis en circulation le 21 mars 1883. Ces deux ponts suspendus sont inscrits au titre des Monuments Historiques depuis le 2 octobre 2015. Arnodin, fantastique pionnier de la technique des ouvrages métalliques et brillant ingénieur des Arts et Métiers, aura consacré sa vie aux ponts suspendus : il en a construit quelque 250 !

Photos- Copyright @Delphine Dupuis

 

Pour en savoir plus :

La Montagne – Article de septembre 2015

Base de données internationale du patrimoine du génie civil

Art et Histoire en Auvergne-Rhône-Alpes

Le pont endommagé en 2004 et ses réparations

La Montagne. Article d’août 2017. Des mesures de sauvegarde

La Montagne. Article d’août 2017. Les 3 règles d’or pour ne pas détériorer un pont suspendu

 

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